C’est à peu près cela que ça donne, le Tour. « Ils arrivent! Les voilà! » Chacun se tient prêt. La pression est palpable. Les spectateurs sont fébriles. Les pères tiennent les mains des enfants, hurlent les dernières consignes, sous le bruit du ballet des hélicoptères : « Reste avec moi. Derrière la barrière. Gare toi! » Les mamans sont là aussi. Elles tentent tant bien que mal de faire régner le calme. Elles osent introduire de l’humour sur la situation, dans le fracas des moteurs vrombissants des voitures ouvreuses, des sifflets stridents des gendarmes. « On va les voir, t’inquiète pas!».
Le grondement. Les grosses mouches hélicoptères, la frénésie de la course, l’emballement des foules. Avant même qu’elle soit ressentie par les coureurs, la pression médiatique est directement et physiquement vécue par tous ceux qui regardent passer le Tour. Mais ils sont là, eux aussi, au rendez-vous, pour le voir, pour les voir, pour la course. « Les voilà! Ils arrivent!»
Ils y sont. Devant les foules. Qui crient, applaudissent, hurlent, sautent, tapent des pieds, courent, rient, hurlent encore et plus fort. Des moteurs, des bruits de chaine de vélo, des bidons qui tombent, des crachats.
Les premiers, on les voit bien, on les entend bien. Le peloton, en plaine… c’est 10-15 secondes. C’est vite… Pas le temps de dire « Ah oui, j’ai vu Jaja, il est là!» que déjà Jaja est loin et que l’on ne voit plus que des culs de selles et des voitures suiveuses… En montagne on voit mieux bien sûr. Les coureurs passent quasiment aussi vite, mais ils sont moins empaquetés dans la niche du peloton. Et puis on peut les voir pendant de grosses demies-heures parce qu’entre les premiers et les derniers… le temps hein… Quelle frénésie tout de même, cette machine. De chairs et de muscles. Le peloton. Le Tour. Ah le Tour!
C’est reparti. Ce samedi, la grande machine s’ébroue le manège recommence. Nous sommes prêts. Je le suis. L’êtes-vous ? Oui, je sais, le décalage horaire ne rend pas les choses aisées. Mais il faut comprendre : c’est le Tour!
Laissez-moi vous donner quelques conseils d’avant-tour. En toute humilité. J’ai eu le plaisir et la chance de voir passer les coureurs quelques fois. De préparer et de suivre la course à la télé des dizaines de fois aussi. Ça aide beaucoup d’être en vacances et de passer son temps devant l’écran.
Achetez donc quelques magazines de vélo. Un qui détaille les équipes. C’est important de reconnaître les maillots. Bien plus que les têtes! Croyez-moi, un casque, des lunettes, des guiboles rasées, c’est l’apanage de tout coureur… Alors pour voir leurs yeux… Des détails donc : couleurs des maillots, sponsors, des cuissards, des chaussures. Sachez les reconnaître et vous pourrez peut-être savoir qui « gicle » hors du peloton là, juste devant vous, produisant un moment historique à votre nez et barbe!
Ensuite, forcément, les vélos. Je ne dis pas que vous arriverez à reconnaître le dérailleur de Machin ou de Bidule, mais quand même, il est facile de lire le nom des grandes marques et cela peut aider aussi à reconnaître un champion parmi d’autres. Il sera donc important de savoir que telle équipe roule sur Trek, telle autre sur Specialized, telle autre sur Bianchi, l’autre sur Pinarello, etc, etc… Puis là, pour les puristes, vous pourrez aussi vous renseigner sur les braquets choisis par les coureurs. C’est toujours bon à placer en société ça! Imaginez, dans un dîner mondain… «Tu as vu Tartempion monter le Tourmalet ? Sur du 39-24 il est monté le fou ! Comment ça tu ne comprends pas ? Mais tu es has been mon pauvre !».
À tout le moins, vous vous devez de reconnaître quelques allures. Si untel mouline, si l’autre tourne bien les jambes, s’il emmène gros, s’il est en ligne… Je vous reviendrais là-dessus très bientôt avec des livres que je vous conseille pour décoder le jargon.
Une fois les vélos, les couleurs, les braquets mémorisés, on passe à une étape PRI-MOR-DIALE. La reconnaissance du parcours. Assurez-vous de connaître les profils des étapes. De planifier vos déplacements. Dans quelles conditions sera donné le départ? Où? Un départ dans le Nord annonce une première semaine de belles passes d’armes pour les rois du chronomètre, les rouleurs purs, les puissants, les spécialistes de la lutte contre le vent. Un départ quelque part dans l’Ouest vous promettra des barouds pleins de panaches. Enfin, rassurez-vous, à la fin, c’est le sprint massif qui l’emporte!
Repérez les étapes chronos. Important… Le Tour se gagne dans les chronomètres, il s’y perd aussi. Mais l’on perd plus facilement le Tour dans la montagne. Alors soyez attentifs aux arrivées au sommet, aux passages des grands « hors catégories ». Il existe toujours aussi une ou deux étapes un peu piégeuses, une qui n’a l’air de rien comme ça, mais qui promet du grand spectacle. Soyez prêts sur le bord de la route, le sandwich au saucisson et le jaja qui goûte bon dans la musette, afin de pouvoir déclarer péremptoirement : « J’y étais, J’vous l’avais dit! ».
Le Graal, la consécration, c’est de voir «l’étape reine». Elle est comme un match 7 de série du Canadien. C’est celle qui voit les cadors s’affronter, s’attaquer, se lancer banderille après banderille. Celle qui voit la défaillance devenir défaite, l’attaque inhumaine consacrer la victoire. Soyez au bon endroit au bon moment!
Parce qu’attention, les voilà! Ils arrivent. Et il ne sera pas dit que je ne vous ai pas prévenu : ils passent, ils foncent, et bientôt on entend plus que les hélicos ronronner et les bambins chialer. Ils nous laissent en transe, frénétiques. Saisis de stupeur. Bouches bées. Et paf, le Tour est passé. Attention fini, circulez y a plus rien à voir!
Bon Tour à tous!
PS : Le Tour est diffusé en direct sur le canal Évasion. Il ne l’est pas encore sur Radio-Canada, on y croit, après tout, il y a bien le football désormais sur SRC! Sinon, pour ceux qui n’ont pas le câble, rdv à la Maison du cycliste sur Bréboeuf! Avec un p’tit café et un croissant, c’est bien aussi le Tour!